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Angiodermite nécrotique

19 décembre 2012, par KLUGER N. & SENET P.

Les ulcères de jambes sont particulièrement fréquents chez les sujets âgés (au-delà de 60-65 ans). Ils ont un impact socio-économique non négligeable en termes de soins médicaux, d’arrêt de travail chez les sujets jeunes actifs, et réduisent la qualité de vie. Ils sont dus principalement à une insuffisance circulatoire veineuse (70% des cas), artérielle (20%) ou une origine mixte, (10%), à savoir une atteinte à la fois artérielle et veineuse. La liste des causes “rares” d’ulcères de jambe est longue.

L’Angiodermite nécrotique (AN, ou ulcère de Martorell, du nom du cardiologue espagnol qui l’a décrit la 1ère fois) est une cause inhabituelle d’ulcères de jambe mais n’est pas pour autant une cause rare. L’absence de consensus concernant les critères diagnostiques a entraine la sous-estimation des d’AN. Néanmoins, on estime que l’AN représente 10% à 15% des ulcères de jambes vus en hospitalisation dans un service de dermatologie. Il est traditionnel de considérer l’AN comme la 4ème cause d’ulcère de jambe après les causes vasculaires (veineuse, artérielle et mixte).

L’AN survient dans la très grande majorité des cas chez des patients avec une longue histoire d’hypertension artérielle. Dans 60% des cas, les patients sont des femmes. L’Hypertension est présente dans 95 à 100% des cas, et un diabète, principalement de type II, est retrouvé chez 40% des patients. Cependant, dans 5 à 10% des cas, le diabète apparait comme l’unique cause de l’artériolosclérose responsable de l’AN, en l’absence de toute HTA. L’éventail de l’âge des patients est assez large, de 40 à 85 ans. Cependant, les patients sont le plus souvent dans leurs 55 – 65 ans. Cependant, le vieillissement de la population et l’amélioration de la prise en charge de l’hypertension artérielle sont progressivement responsables d’un vieillissement de l’âge des patients présentant un AN. Il n’est donc plus inhabituel de voir des patients de 75 ans et plus avec une AN.

L’AN est caractérisé par un ulcère superficiel lentement extensif nécrotique (fait de plaques noires) et violacées extrêmement douloureux. Il survient typiquement sur la face antéro-latérale de la jambe. La douleur est une grande caractéristique de cet ulcère avec une douleur bien supérieure à ce qui peut être attendu par rapport à la lésion. La douleur n’est soulagée ni par le repos, ni par l’élévation des jambes et est insomniante. Un traumatisme local, est considéré comme facteur déclenchant, mais n’est retrouvé à l’interrogatoire que dans 50% des cas. L’AN survient strictement sous le genou et au-dessus du dos des pieds. Une évolution en deux étapes peut être observée avec la stabilisation de la première lésion, alors qu’une seconde survient sur une autre zone ou sur l’autre jambe. La taille des ulcères est variable de 2 à 242 cm2 (14). Les délais de cicatrisation sont variables, mais globalement l’AN est considérée comme longue à la cicatrisation. La cicatrisation peut prendre au-delà de 3 mois avec des traitements locaux , jusqu’à presque un an. Les délais peuvent être raccourcis avec une greffe cutanée. L’amputation est une issue exceptionnelle.

L’existence d’une insuffisance veineuse ou artérielle n’est pas rare chez le sujet âge. Comme l’AN touche des patients avec une longue histoire d’HTA, il n’est pas rare que ces derniers présentent une artériopathie périphérique associée même si pour retenir le diagnostic d’AN, cette artériopathie ne doit pas être suffisamment sévère pour expliquer à elle seule la présence de la plaie. Par conséquent, une artériopathie oblitérante devrait être systématiquement recherchée durant le bilan, et ce surtout en cas d’ulcère creusant ou d’évolution inhabituellement longue et chronique.

Les diagnostics différentiels comprennent toutes les autres causes d’ulcères de jambe. L’insuffisance veineuse et artérielle devrait être évaluée systématiquement chez ces patients. Les autres diagnostics différentiels comprennent toutes les causes de lésions purpuriques et nécrotiques comme la calciphylaxie, une vasculite cutanée, une thrombose cutanée, une embolie cutanée, ou d’autres pathologies comme un pyoderma gangrenosum ou un ecthyma gangrenosum

L’AN résiste habituellement au traitement local conventionnel et sa prise en charge est globalement longue et difficile. Il est important que le patient soit au courant de cette évolution particulière de l’AN pour éviter toute attente et désillusions.

La prise en charge doit comprendre en première instance le contrôle de la douleur. Etant donné l’extrême douleur associée à l’AN, son contrôle rend les soins locaux plus faciles et diminue l’appréhension du patient. Les traitements oraux comprennent les antalgiques de classe I et II de l’OMS : paracétamol, codéine, seuls ou en association. L’évaluation de la douleur avec une échelle analogique de la douleur plusieurs fois par jour permet d’évaluer l’efficacité du traitement. Les opioïdes par voie transcutanée ou par voie orale ou leurs dérivés peuvent être nécessaire, parfois en prémédication avant les soins locaux. Les protocoles prendront en compte la tolérance liée à l’âge et la fonction rénale. Les traitements antalgiques neuropathiques sont souvent associés (prégabaline, antidépresseur tricyclique) en raison de la composante neuropathique associée à la douleur de l’AN. Cependant, encore une fois, ces derniers sont limités par leurs effets secondaires. En revanche, une corticothérapie locale de très forte activité (propionate de clobetasol) de courte durée (une semaine maximum) sur les berges purpuriques actives permet de contrôler la douleur .

Le choix des pansements est guidé par l’aspect clinique. En cas de détersion douloureuse, la crème Emla ou la xylocaïne en gel doit être appliqué 30 minutes à 1 heure avant les soins. Les pansements hydrogel seront appliqués sur les plaques de nécrose sèche avec une détersion mécanique quotidienne. Les pansements hydrocellulaires seront appliqués sur les plaies fibreuses modérément exsudative et les alginates en cas d’importantes exsudations. La détersion de la fibrine et de la nécrose devra être précautionneuse associant traitement local et détersion mécanique voir détersion chirurgicale sous anesthésie locale ou générale.

La greffe de peau reste le meilleur traitement dans la stratégie de prise en charge des AN. Différentes techniques sont disponibles. La greffe en pastille au punch de 6 mm est réalisable au lit du patient rapidement (environ 20 minutes) sous anesthésie locale. C’est une technique simple, peu couteuse, avec une efficacité rapide sur la douleur et le temps de cicatrisation. La greffe de peau mince en résille obtenu par dermatome aurait une efficacité similaire. Il n’est pas rare de devoir réaliser plusieurs greffes chez un patient. Le délai moyen de cicatrisation est de un mois après greffe. Bien qu’aucun traitement (chirurgical ou non) n’ait été évalué dans des études contrôlées dans l’AN, la greffe de peau reste le traitement de 1ère intention.

Le contrôle de l’HTA est obligatoire. Les bêta-bloqueurs non sélectifs doivent être évités en raison de leur action vasoconstrictrice et du retard de cicatrisation qu’ils peuvent entrainer. Cependant, un traitement intensif seul de l’HTA ne garantit pas la guérison de l’AN.

1 - CONCLUSION

L’AN est une entité distincte caractérisée par des manifestations cliniques particulières, ulcères extensifs nécrotiques douloureux, une artériolosclérose et des antécédents d’HTA. L’HTA est le facteur principal, mais pas le seul, responsable de cette microangiopathie. Les patients avec une AN peuvent présenter des signes d’insuffisance veineuse, artérielle ou les deux. Il n’existe à ce jour que très peu d’études comparatives des traitements. La prise en charge comprend un traitement antalgique, le contrôle de l’HTA et la détersion mécanique ou chirurgicale avec greffe de peau.

2 - SYNONYMES 

Ulcère de jambe hypertensif, ulcère artériolosclérotique, Ulcère de Martorell

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