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Thérapeutique Dermatologique
Un manuel de référence en dermatologie

Cutis laxa

31 août 2005, par VABRES P. & LARRÈGUE M.

Les cutis laxa congénitales généralisées se caractérisent par une perte de l’élasticité de la peau, responsable d’un pli cutané excessif et anormalement persistant. Il en résulte un morphotype de vieillard, généralement présent dès la naissance, sans tendance à l’amélioration spontanée. L’examen histologique ou ultrastructural montre une diminution et une désorganisation du réseau des fibres élastiques du derme, le collagène pouvant être normal ou altéré. Les bases moléculaires de ces altérations demeurent inconnues dans la plupart des cas. Il existe parfois un contexte familial, mais le mode de transmission est variable (tableau I). Les manifestations associées viscérales, malformatives ou dysmorphiques sont diverses mais inconstantes. Certaines d’entre elles (pulmonaires ou cardiaques) mettent en jeu le pronostic vital. Elles ont permis de proposer des classifications [1] et d’individualiser certaines entités syndromiques (voir tableau I). Les limites nosologiques entre les différentes formes cliniques et avec d’autres maladies du tissu conjonctif demeurent toutefois incertaines. Les cutis laxa se différencient cependant nettement des syndromes d’hyperélasticité cutanée (maladie d’Ehlers-Danlos dans ses différents types) et des syndromes de vieillissement précoce (progeria).

Il n’existe pas de traitement étiologique des cutis laxa. Leur prise en charge thérapeutique repose sur :

— la recherche, la surveillance et le traitement de manifestations extracutanées associées, dont dépend le pronostic de l’affection (tableaux II et III) ;

— l’identification du mode de transmission qui, lorsqu’elle est possible, peut permettre un conseil génétique ;

— la chirurgie de l’atteinte cutanée ;

— la prise en charge globale, volontiers multidisciplinaire, du handicap physique et psychologique.

Les manifestations extracutanées associées aux cutis laxa sont diverses (voir tableau I) et de gravité variable. Ainsi, dans la forme autosomique dominante, sont-elles absentes ou modérées, sans retentissement sur le pronostic vital. À l’inverse, les atteintes pulmonaires et cardiaques sont potentiellement graves et doivent être recherchées systématiquement [1-4].

Les atteintes viscérales sont la conséquence de l’altération du réseau élastique. L’atteinte pulmonaire est la plus fréquente et la plus grave : il s’agit d’un emphysème de révélation précoce, par une détresse respiratoire néonatale, ou plus tardive, dans la première enfance. Il justifie la pratique systématique d’un cliché thoracique et une surveillance ultérieure de l’état cardio-respiratoire en raison de son caractère évolutif. C’est la principale cause de décès précoce, par défaillance respiratoire et cardiaque. Une hernie diaphragmatique peut également avoir un retentissement respiratoire majeur. Des bronchectasies et des infections respiratoires récidivantes ont été décrites.

L’atteinte cardio-vasculaire peut être secondaire à l’atteinte respiratoire (avec risque de décès par défaillance cardio-respiratoire) ou primitive ; il s’agit alors de malformations diverses : coarctation aortique, sténose de l’artère pulmonaire, valvulopathies mitrales ou aortiques, ectasie aortique, communication interventriculaire ou interauriculaire. Leur dépistage précoce s’effectue par la pratique systématique d’une échocardiographie. La plupart sont accessibles à un traitement chirurgical, ce qui justifie une prise en charge multidisciplinaire avec l’aide des spécialistes concernés. Une surveillance de l’état cardio-vasculaire est nécessaire dans tous les cas, en raison du caractère évolutif de certaines atteintes.

La croissance staturo-pondérale et le développement psychomoteur doivent également faire l’objet d’une surveillance régulière au cours des premiers mois de vie, afin de dépister un retard des acquisitions et d’effectuer une prise en charge médico-sociale du handicap.

Les atteintes digestives (hernies inguinales, ombilicales, diverticules intestinaux ou oesophagiens — généralement asymptomatiques —, prolapsus rectal) n’ont pas le même pronostic péjoratif. L’atteinte urinaire (reflux vésico-urétéral, méga-uretères, hydronéphrose, diverticules vésicaux) peut se manifester par des infections urinaire à répétitions. Là aussi, nombre de ces manifestations digestives ou urinaires sont accessibles à un traitement chirurgical.

L’atteinte ostéo-articulaire ne constitue pas non plus un facteur de gravité. Une hyperlaxité ligamentaire et une luxation congénitale de hanche sont fréquemment rapportées et s’observent dans tous les types. Des contractures articulaires sont plus rares. L’hypotonie axiale en cas de retard psychomoteur peut se compliquer d’une cyphoscoliose. Une fontanelle anormalement large peut s’observer à la naissance ; elle peut évoluer vers une craniosténose. L’existence d’une corne occipitale (hyperostose visible sur la radiographie du crane de profil) oriente vers le diagnostic de cutis laxa liée à l’X et justifie une étude du métabolisme du cuivre (dosage de la céruléoplasmine et de la cuprémie), car cette forme est due à des mutations du même gène que celui de la maladie de Menkes.

Bien que les formes sporadiques soient les plus fréquentes, l’identification du mode de transmission a un intérêt pronostique, les formes autosomiques dominantes étant moins graves que les formes récessives. Le conseil génétique est toutefois limité par l’ignorance des gènes en cause, à l’exception de la forme liée à l’X. Le diagnostic prénatal par étude de l’ADN en cas de nouvelle grossesse n’est donc pas possible à l’heure actuelle. La surveillance anténatale échographique habituelle peut théoriquement permettre de détecter une atteinte viscérale précoce, mais sa fiabilité dans cette indication n’a pas été évaluée.

Enfin, la chirurgie plastique permet la correction des manifestations cutanées, qui n’ont pas tendance à s’améliorer spontanément, et dont le préjudice esthétique peut avoir un retentissement psychologique, quelles que soient les manifestations extracutanées associées. Elle est indiquée dès que ce retentissement existe. Les interventions ne sont généralement pas compliquées, du fait de l’absence de troubles de la cicatrisation, de l’hémostase ou de fragilité cutanée. Cependant, ses résultats, initialement satisfaisants, ne sont que transitoires. En effet, le défaut constitutionnel d’élasticité ne peut être corrigé, ce qui se traduit par des récidives de la cutis laxa. Des interventions itératives sont possibles, mais potentiellement limitées par des contre-indications anesthésiques d’ordre cardio-respiratoire.

 

Tableau I Classification des cutis laxa (d’après [1, 2]).

Type

Manifestations associées

Cutis laxa autosomique dominante

Pas d’atteinte viscérale

Hernies

Bon pronostic

Cutis laxa autosomique récessive :

 

— type I d’Agha

Emphysème (pronostic vital)

Hypotrophie

— type II d’Agha

Retard global de développement (psychomoteur et staturo-pondéral)

Malformation craniofaciales

Cutis laxa liée à l’X

Déficit du transport du cuivre (allélique à la maladie de Menkes)

Corne occipitale

Déficit secondaire en lysyl oxydase

Cutis laxa marfanoïde [2]

Arachnodactylie

Avance staturo-pondérale

Atteintes pulmonaire et cardiaque létales

Syndrome de Costello

Retard psychomoteur

Macrocéphalie

Cardiomyopathie

Papillomatose péri-orificielle

Capitonnage palmaire

Syndrome de de Barsy

Retard psychomoteur, athétose

Opacité cornéenne

Hypotrichose

 

Tableau II Conduite initiale à tenir à la naissance ou dans les premiers mois de vie.

Explorations

Éléments à évaluer

Biopsie cutanée (facultative)

Étude histologique (orcéine)

Étude ultrastructurale

Recherche des hernies pariétales

Hernie ombilicale ou inguinale

Radiographie thoracique

Emphysème, hernie diaphragmatique

Radiographies du crâne

Corne occipitale

Échocardiographie

Malformations, HTAP

Échographie rénale

Urétéro-hydronéphrose

Dosages sériques

Cuprémie, céruléoplasminémie

Arbre généalogique

Antécédents familiaux

 

 

Tableau III Surveillance et prise en charge ultérieure.

Prise en charge systématique

Prise en charge selon l’orientation ou l’évaluation initiale

Poids, taille

Développement psychomoteur

Examen cardiologique

Examen respiratoire

Bandelette urinaire

Évaluation du handicap psychosocial

Conseil génétique

Échocardiographie

ECBU, échographie rénale,urographie intraveineuse

Radiographie thoracique, examen fonctionnel respiratoire

Chirurgie cardiaque

Chirurgie digestive

Chirurgie urinaire

Chirurgie plastique

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