Sommaire
Dilatations des vaisseaux du derme superficiel, les télangiectasies sont « isolées » dans la grande majorité des cas, constituant un préjudice esthétique, mais elles peuvent parfois être rattachées à une maladie générale ou même la révéler. La signification et la prise en charge sont donc complètement différentes selon que les télangiectasies sont isolées ou, au contraire, associées à d’autres signes cutanés ou généraux, conduisant alors à les rattacher à leur cause et donc à envisager un traitement étiologique. Elles peuvent être congénitales ou acquises et leur grande diversité est présentée au tableau I.
1 - DIAGNOSTIC
Les éléments qui conduisent au diagnostic clinique sont multiples.
L’aspect séméiologique comprend :
— le dessin du chevelu capillaire (traînées linéaires ou en réseau de la couperose à gros vaisseaux ou des varicosités de l’insuffisance veineuse chronique, macules homogènes de l’érythrose) ;
— la coloration variable, du rouge violine (comme dans l’angiome stellaire) au bleu violacé (comme dans les télangiectasies banales des membres inférieurs de l’insuffisance veineuse chronique) ;
— le type de lésion élémentaire : 1) les étoiles vasculaires (ou angiomes stellaires), où la télangiectasie est centrée par un point rouge plus ou moins en relief et qui donne naissance à une arborisation centrifuge ; 2) les macules télangiectasiques, où la tache sans relief est uniformément colorée, du rose au rouge violine, sans arborisation visible à l’œil nu. Elles peuvent être limitées avec des bords nets quadrangulaires comme dans les télangiectasies de la sclérodermie, ou diffuses et étendues comme dans l’érythrose avec des limites d’autant plus floues qu’il existe un flush associé ; 3) les papules télangiectasiques, où la lésion vasculaire est palpable (comme dans les angiomes rubis), parfois associée à une pustule comme dans les poussées d’acné rosacée ou à une hyperkératose (comme dans les poussées papulopustuleuses de Rosacée) ou à une hyperkératose (comme dans les angiokératomes).
Outre cet aspect séméiologique, le diagnostic s’appuie sur :
— le caractère isolé ou, au contraire, associé à une symptomatologie extracutanée ;
— le caractère acquis ou congénital (héréditaire ou non).
2 - STRATÉGIE THÉRAPEUTIQUE
Nous détaillerons ici la conduite à tenir et le traitement des télangiectasies dites essentielles, en fonction de leur type séméiologique. C’est à titre symptomatique que ce traitement pourra être adapté aux télangiectasies de même séméiologie, associées à une maladie générale ou à un état particulier.
Ce traitement associe les mesures visant à effacer, de façon idéale et sans cicatrice, les dilatations vasculaires visibles, aux mesures préventives destinées à diminuer l’intensité et la fréquence des récidives.
2.1 - MESURES D’EFFACEMENT
Les mesures d’effacement ont longtemps été limitées à l’électrocoagulation et aux techniques plus anciennes comme la cryothérapie, les scarifications, etc., au résultat imparfait (voire cicatriciel) ou éphémère. Elles sont maintenant dominées par le développement des techniques lasers, progrès indiscutable même si les résultats sont encore inconstants en fonction du type des télangiectasies et de l’appareil utilisé.
Les télangiectasies ponctiformes, linéaires, et le chevelu capillaire, par leur trajet bien limité et visible à l’œil nu, se prêtent aux techniques de traitement point par point. Les lasers continus (CO2, puis argon, krypton, YAG) qui offrent cette possibilité gardent un intérêt lorsqu’ils sont utilisés avec discernement ; en effet, le suivi à point séparé d’un trajet linéaire avec une fluence et surtout un temps d’exposition modérés permettent un traitement précis, mais minutieux et fastidieux, dont le résultat est totalement opérateur-dépendant. Les avantages par rapport à l’électrocoagulation sont la rapidité, l’absence de saignement au cours du traitement, une sensation souvent jugée un peu moins douloureuse par le patient et un résultat plus durable.
Cependant, seules les télangiectasies ponctiformes et linéaires très rouges et superficielles en bénéficient. Les télangiectasies individualisées de la couperose au niveau du visage ou les miliaires d’angiomes rubis sont ainsi l’indication principale. Le traitement des télangiectasies en « chaussette rouge » du tiers inférieur de jambe est une indication plus rare. Les effets secondaires possibles sont le dessin linéaire blanc de la télangiectasie, cicatriciel, si la puissance ou le temps d’exposition sont trop forts, et une pigmentation favorisée par une photo-exposition trop précoce. La récidive est quasi constante au niveau des vaisseaux violines des ailes du nez. En dépit de tous les efforts des fabriquants, il faut reconnaître que les « varicosités » de l’insuffisance veineuse chronique sont actuellement une mauvaise indication des traitements lasers quel que soit leur type. La récidive immédiate, les trajets cicatriciels et les pigmentations résiduelles tardives voire définitives sont la règle.
La macule télangiectasique qui réalise, dans sa forme diffuse, l’érythrose est une bonne indication aux techniques des lasers dits pulsés à colorant ou des lasers continus utilisés avec une pièce à main informatisée permettant le traitement par unités géométriques hexagonales à juxtaposer. Les inconvénients des premières générations de laser pulsé à colorant sont : un purpura transitoire inhérent à cette technique, un aspect résiduel de résille entre les points circulaires obligeant souvent à un deuxième passage et un coût financier élevé en rapport avec le coût de l’appareillage et des consommables. Cette technique a récemment été améliorée par l’utilisation de lasers pulsés à colorant de deuxième puis de troisième génération :
— longueurs d’ondes adaptables (585, 590 et 595 nm) ;
— pièces à main à impacts plus larges de 7 à 10 mm de diamètre ;
— purpura généré moins long et moins intense ;
— diminution du caractère douloureux par l’utilisation d’une pulvérisation cryogénique couplée à chaque impact.
Les lasers continus utilisés avec une pièce à main informatisée n’entraînent pas de purpura transitoire après la séance, mais paraissent d’une efficacité relative, même au niveau du visage.
L’érythrose ou l’érythrocouperose (rosacée) sont très souvent accompagnées de phénomènes de flushs sur lesquels l’effet du laser, quel que soit son type, est moins constant. De façon récente une alternative aux traitements lasers de l’érythrose a été proposée par l’utilisation du tartrate de brimonidine cet agoniste des récepteurs alpha2-adrénergique provoque une réduction de l’érythème facial de la rosacée par vasoconstriction, phénomène éphémère d’une durée variable de 3 à 12 h. La place réelle de ce traitement reste à déterminer tant au plan de l’efficacité que de la tolérance.
Les lasers pulsés à colorant sont préconisés pour les traitements chez l’enfant, conformément aux recommandations de l’ANAES. Avant le traitement de grandes surfaces, une touche d’essai est souvent utile pour évaluer le bénéfice à attendre. Enfin, avant tout traitement de nappes télangiectasiques un peu atypiques, il convient de vérifier qu’elle ne recouvre pas une malformation artérioveineuse ; toute augmentation de la chaleur locale, toute sensation de battement ou de thrill imposent, a minima, un contrôle par écho-Doppler et contre-indiquent le traitement laser, quel qu’il soit.
L’angiome stellaire, bien que de très petite taille, est particulièrement récidivant, même chez l’enfant, après une ou deux séances de laser. C’est souvent le laser pulsé à colorant qui est proposé et qui peut être complété, en son centre, par un ou deux points de laser continu si l’on a la chance de pouvoir disposer simultanément des deux appareils.
• Parmi les autres bonnes indications des traitements lasers, citons les télangiectasies des radiodermites et les angiomes plans.
2.2 - MESURES PRÉVENTIVES
Elles visent à diminuer l’intensité et la fréquence des récidives dépendant de l’étiologie, et comprennent :
— la suppression de la cause lorsqu’elle est envisageable ou possible (arrêt d’une corticothérapie injustifiée) ou naturelle (fin de la grossesse ou d’une exposition à des facteurs climatiques ou alimentaires favorisants) ;
— le traitement spécifique de l’affection comme celui des papules télangiectasiques, de l’acné rosacée. Un traitement de fond est nécessaire pour les poussées pustuleuses (cyclines per os et métronidazole topique) et le traitement laser des télangiectasies résiduelles doit être programmé en dehors de ces poussées. Dans un certain nombre de cas, il aurait une incidence favorable sur la fréquence des récidives pustuleuses ;
— les mesures additives classiques comme les cures thermales (Saint-Gervais, Avène, Uriage, La Roche-Posay), la photoprotection et les cosmétiques, dont le mérite est souvent plus de masquer (gammes teintées et correctrices de teint) que de traiter.
La limite actuelle au développement des traitements lasers d’ordre purement esthétique, dans les télangiectasies essentielles, est son coût et l’absence de prise en charge par la Sécurité sociale (à l’exception de l’indication des angiomes plans).
Dénomination |
Type |
Caractère | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Clinique |
Isolé |
Associé |
Acquis |
Congénital |
Héréditaire | |
Rosacée |
||||||
Érythrose |
Érythrose pure |
Visage |
+ |
|||
Rosacée |
± flush |
Visage |
Rarement associé à un syndrome carcinoïde |
+ |
Antécédents familiaux |
|
Couperose |
Chevelu capillaire |
Visage |
+ |
|||
Érythrocouperose |
Érythrose + chevelu capillaire |
Visage |
+ |
|||
Angiomes stellaires idiopathiques |
Étoile vasculaire |
Ubiquitaire |
Enfant |
— |
||
Angiomes plans |
Nappe capillaire dense |
+ |
+ |
— |
||
Télangiectasies de la femme enceinte |
Angiomes stellaires |
Grossesse |
+ |
— |
||
« Varicosités » des membres inférieurs |
Chevelu capillaire bleuté, violacé |
Autres signes de l’insuffisance veineuse chronique |
Antécédents familiaux |
|||
Capillarites (Majocchi-Shamberg) |
Télangiectasies en plaques |
+ |
+ |
— |
||
Télangiectasies essentielles ascendantes, extensives ou généralisées |
Myriades de chevelus capillaires |
+ |
+ |
— |
||
Télangiectasies næviques unilatérales |
Chevelus capillaires sur un dermatome |
+ |
+ |
Ou + |
— |
|
Télangiectasies de la peau sénile |
Atrophie cutanée |
+ |
— |
|||
Télangiectasies post-corticothérapie |
Tous types, érythrose, couperose, angiomes stellaires |
Atrophie cutanée |
+ |
— |
||
Télangiectasies de radiodermite |
Chevelu capillaire |
Poïkilodermie |
+ |
— |
||
Télangiectasies des collagénoses (CREST syndrome) |
+ Quadrant jugulaire |
Autres signes de sclérodermie en plaques |
+ |
— |
||
Télangiectasies d’origine hépatique |
Angiomes stellaires, érythrose et chevelu capillaire thoracique |
Cirrhose, cancer du foie, VIH |
— |
|||
Télangiectasies des affections cardio-pulmonaires |
Érythrose |
HTPA Rétrécissement mitral Tumeurs thoraciques Myxome de l’oreillette |
+ +
+
+ |
— |
||
Télangiectasies de la mastocytose (+ telangiectasia macularis-eruptiva) |
Chevelu capillaire |
Lésions pigmentées, turgescentes au frottement |
+ |
— |
||
Maladie de Rendu-Osler |
Angiomes stellaires |
Angiomes muqueux et viscéraux |
+ |
+ |
||
Ataxie-télangiectasies |
Chevelu capillaire |
Déficit immunitaire |
+ |
+ |
||
Télangiectasies des états poïkilodermiques congénitaux ou acquis |
Angiomes stellaires et chevelu capillaire |
Xeroderma pigmentosum Réaction du greffon contre l’hôte chronique |
+ |
+
— |
+
— |
|
Télangiectasies péritumorales ou cicatricielles |
Chevelu capillaire |
Carcinome basocellulaire |
+ |
— |
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